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Le mépris de la gentillesse

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Francisca

15/01/2023 à 22:16

Bonjour Monsieur Nemtchenko
Je suis professeur de Français. Et pendant longtemps j'ai enseigné qu'à des adultes. Cependant, il y a quelques mois, j'ai commencé à enseigner dans un collège et à des élèves entre 13 et 16 ans. Très vite, ils ont montré une grand indiscipline et même du mépris pour la matière, comme s'ils voulaient me montrer qu'avec moi ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient.
Je reconnais, que je suis plutôt gentille et polie avec les enfants, mais je perds la concentration, quand il y a du bruit et les interruptions me perturbent énormément. Je me sens attaquée, méprisée et qu'on me vole mon énergie. Je réagis comme s'il y avait un grand danger et je me montre inexpressive pour me protéger.
Mais dans le fond, je n'arrive pas à comprendre pourquoi on peut s'amuser à faire tourner en bourrique quelqu'un.

Merci pour votre réponse.

Georges Nemtchenko Logo admin

16/01/2023 à 14:40

Bonjour Francisca,
puis-je vous poser quelques questions pour mieux saisir votre problématique ?
D'abord, est-ce que vous enseignez dans une zone réputée "tendue", dans des quartiers difficiles ?
Vous êtes-vous rapprochée de vos collègues (de français ou d'autres matières) pour savoir s'ils rencontrent les mêmes difficultés ?
Avez-vous reçu une éducation personnelle très traditionnelle ? Etes-vous mère de famille ?
Quand vous parlez de "grand danger", pensez-vous aux agressions d'enseignants faisant la une de la presse ?
Enfin, très profondément, considérez-vous que vos élèves sont "à la limite" ou que c'est vous qui êtes hypersensible ?

Francisca

17/01/2023 à 20:12

Bonsoir Monsieur,
Pour mieux saisir le sujet, je vais répondre à vos questions :
1) J'enseigne dans une école privée, ce qui veut dire que les parents et les élèves ont choisit d'y envoyer leurs enfants et les enfants peuvent aussi en partir, s'ils le désirent. Et c'est une ville moyenne de 65.000 habitants avec peu de quartiers chauds.
2) J'ai reçu l'appui des autres collègues de Français et du professeur principal de cette classe et ils m'ont confirmé, qu'ils avaient pris parfois des décisions "musclées" pour se faire respecter.
3) J'ai reçu une éducation dite traditionelle et donc avec beaucoup de formalisme, mais sans éducation émotionnelle, ce que j'ai dû rattraper par la suite, une fois adulte. Et je suis mère d'une fille de 13 ans, avec laquelle je partage beaucoup de choses.
4) Quand je parle de ma réaction "comme s'il s'agissait d'un grand danger", j'ai souffert du harcèlement scolaire presque toute ma scolarité et aussi de la maltraitance de la part de ma mère et un peu de mon père. C'est comme cela que j'ai appris à me protéger et à, s'il-le-faut, me défendre avec efficacité. Cependant, la peur de me sentir attaquée m'est restée.
5) Je suis hypersensible, mais mes autres collègues ne le sont pas et on partage beaucoup d'observations.
J'espère que cela peut vous aider à me répondre.
Merci

Georges Nemtchenko Logo admin

20/01/2023 à 11:53

Merci Francisca pour vos réponses franches et détaillées; c'est intéressant car elles permettent de mieux cerner les causes -faire une sorte de diagnostic différentiel.
1/ la cause "enfants de quartiers chauds" est à éliminer mais
2/ l'appui de vos collègues devant prendre des "décisions musclées" viennent par contre appuyer ma théorie, pas encore assez partagée, d'un glissement sociétal aboutissant à une forme incontestable de démission parentale (voir mon NB plus bas)
3/ mais comme vous n'y avez aucun pouvoir, vous ne pouvez que subir
4/ et votre description de vos vécus émotionnels comme petite fille permettent, vous l'aurez sans doute deviné, de connaître les causes de votre sensibilité extrême à toute manifestation d'hostilité envers vous. A noter que l'hypersensibilité se trouve très souvent chez des personnes HPI (haut potentiel intellectuel), ce qui ne me surprendrait pas dans votre cas.
5/ vos collègues, non-hypersensibles et non HPI, ont toutefois l'avantage, sur vous, d'avoir mis en place des "défenses".
Votre éducation, baignée de maltraitance aussi bien parentale que sociétale, ne vous a permis la constitution d'un moi solide. Vous dites très bien: vous avez appris à vous protéger; "l'autre" est potentiellement un agresseur et vous-même potentiellement une victime.
Il semble que votre intelligence "HPI" ne soit pas l'outil le plus approprié pour développer une défense adaptée à vos conditions de travail. Et comme je ne vous imagine pas changer de profession (à moins de retourner aux adultes!) les pistes à envisager seraient un travail de développement personnel (mais je crains les "coaches") ou mieux une thérapie analytique.
En attendant, souvenez-vous que pour des enfants (votre "public") une absence d'autorité voire d'interdits est très anxiogène, donc n'hésitez surtout pas à placer la barre des limites très haut. la société actuelle les autorise à rester dans la position de toute-puissance du bébé: ils estiment avoir droit à tout, tout le temps, tout de suite: or vous n'avez pas à subir la perversion de notre société, soyez autoritaire -et non autoritariste, vous vous ferez du bien et à eux aussi.
NB: j'entendais l'autre soir une institutrice de campagne, plus très jeune, déplorer que en quelques années elle avait dû renoncer à obtenir de ses élèves de grande section maternelle ou CP qu'ils disent simplement "bonjour","s'il vous plait" ou "merci madame".
Ô tempora, ô mores !...

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